Article de la Voix du Nord, édition de Dunkerque du 5 mai 2000

En dix tableaux, Valéry Rabenja évoque les cris au café Les Toiles du Jour, jusqu'au 19 mai

"Tout n'est pas blanc ou noir"

Valéry Rabenja commence à se faire entendre gräce ses expositions à Leffrinckoucke, avec Yann Drogerys, à Roncq, récemment à la mairie de Rosendael pour "Une pierre sort du mur" et aujourd'hui aux Toiles du jour, à Dunkerque.

Sa nouvelle série de dix toiles , centrée autour du cri remue le spectateur car elle touchent à la fois sa sensibilité et sa conscience. Ses toiles représentent une enveloppe dont le contenu serait l'existence même, dans toute sa force, sa fragilité, sa soumission et son refus de céder à la pensée plate, uniforme et sans objet. De ce fai, le mélange de ces paradoxes ne pouvait se retrouver que dans le choix des couleurs : noir, blanc et rouge, car "tout n'est pas blanc ou noir".

Sur le mur principal de la pièce, un visage grimaçant pousse un grand cri. C'est le symbole , la toile vers laquelle convergent tous les petits cris évoqués dans les neuf autres toiles. Chacun peut parcourir l'exposition dans le sens qu'il souhaite, mais un ordre précis a été établi par l'artiste, afin de montrer la graduationdes cris de la révolte.

La première toile L'archive des cris represente l'entassement des écrits qui ont voulu dénoncer, créer une révolte intérieure et qui ont fini par se perdre dans les coulisses du temps. La seconde, Télécri, rend hommage à toute les nouvelles technologies de communication - internet, téléphonie -qui offrent à l'homme un moyen fantastique pour se faire entendre. La troisième, Les cris écrivent passe au stade de la revendication collective où les énergies individuelles se sont regroupées autour de pancartes sans slogan, le tableau parlant de lui-même. Le cri porté, le quatrième tableau montre un haut parleur cherchant ainsi à diffuser des cris qui pourraient capter l'attention de tous ces petits moutons découpés et collés sur le mur principal, symbolisant les hommes passifs, acceptant consciemment ou inconsciemmment leur sort, soumis ou joug des petits soldats représentants de la dictature de la pensée unique et plate.

La toile Le cri creux dévoile un homme cadavérique criant sa révolte par la grève de la faim ; Le cri noyé évoque les drogues et alcools qui transforment les cris de révoltes en des cris inhibés mais tout aussi térrifiants dans leurs méfaits. La septième toile, Le cri d'armes, incarne alors le cri destructeur d'une révoltequi ne se contient plus et qui se déchaîne sur les autres. La neuvième, Le cri d'arrêt, termine la série par un homme qui se tue puisque tous les cris précédents n'ont pas été entendus. La huitième toile Le cri de la génèse, la seule à comporter du bleu, pourrait être une parenthèse dans cette évocation de la révolte, un cri de douceur puisqu'il représente le poumon de l'enfant qui naît et qui s'éveille au monde en poussant un premier cri encore innocent.

L'exposition reprend des thèmes universels, philosophiques où planent peut être les influences de Sartre ou de Malraux, mais surtout où chacun peut être libre de toute interprétation.